Vous avez peut-être reçu un message sur Telegram : "MoonRocket va exploser ! 100x en 1 heure ! Rejoignez le groupe avant qu’il ne soit trop tard !" Vous avez cliqué. Vous avez acheté. Et puis, en moins de 30 minutes, votre investissement a fondu comme neige au soleil. Ce n’est pas une mauvaise chance. C’est une escroquerie organisée, soigneusement planifiée, et elle s’appelle un pump and dump.
Comment ça marche, un pump group ?
Un pump group, c’est une bande organisée qui manipule le prix d’un actif - souvent une crypto-monnaie peu connue - pour en tirer un profit rapide. Leur méthode est simple, mais efficace : ils achètent en masse un token à bas prix, puis inondent les réseaux sociaux de fausses promesses. Des messages sur Telegram, des posts sur X (anciennement Twitter), des vidéos sur TikTok : tout est conçu pour créer une urgence. "Le prix va monter de 500 % dans 10 minutes !" "Seuls les membres du groupe ont accès à ce signal !" En réalité, les organisateurs ont déjà acheté. Ils attendent que des milliers de personnes, attirées par la FOMO (peur de rater l’opportunité), entrent sur le marché. Quand le prix monte, ils vendent tout. Et le token s’effondre. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas de valeur réelle. Juste de la hype.Les groupes les plus actifs sont sur Telegram. Certains ont plus de 50 000 membres. Les organisateurs utilisent des systèmes de niveaux : gratuit pour les débutants, payant (entre 50 et 500 € par mois) pour les "premium". Les abonnés payants reçoivent les signaux 5 à 15 minutes avant les autres. Ce petit avantage leur permet d’entrer plus tôt, de faire monter le prix, et de sortir avant que les autres ne se rendent compte de ce qui se passe.
Les chiffres qui parlent d’eux-mêmes
Les données ne mentent pas. Une étude de Chainalysis en 2022 a montré que 92 % des participants aux pump groups perdent de l’argent. Pas une minorité. La grande majorité. Le token Squid Game en novembre 2021 en est un exemple emblématique. Il a grimpé de 0,011 $ à plus de 2 800 $ en quelques heures. Des milliers de personnes ont investi. Puis, en moins de 48 heures, il est tombé à 0,001 $. Plus de 3,3 millions de dollars ont disparu. Personne n’a été arrêté. Personne n’a remboursé.Les victimes ? En majorité des jeunes, entre 18 et 34 ans, souvent premiers investisseurs en crypto. Selon la SEC, 68 % des personnes trompées en 2022 n’avaient jamais investi avant. Elles croient qu’elles participent à une communauté, à un club exclusif. En réalité, elles sont des cibles.
La technologie qui rend tout ça possible
Ce n’est pas un mystère. Ce sont des outils simples, mais puissants. - Telegram : le principal outil de coordination. Chiffré, anonyme, accessible sur tous les appareils. - Binance, Bybit, Uniswap : les plateformes où les achats et ventes se font en masse. Binance traite 1,4 million d’ordres par seconde - idéal pour noyer les signaux de manipulation. - Les algorithmes de détection : Binance a mis en place des systèmes pour repérer les pics de volume anormaux (300 % en 5 minutes, avec un volume 10 fois supérieur à la moyenne). En 2023, ils ont bloqué 1 842 tentatives de manipulation. Mais ce n’est pas suffisant. Les escrocs s’adaptent.Les organisateurs n’ont pas besoin d’être des génies de la finance. Ils ont juste besoin de comprendre deux choses : 1. Comment créer de la panique. 2. Comment profiter du fait que les gens agissent vite, sans réfléchir.
La différence avec les anciennes escroqueries
Avant, les escrocs utilisaient des salles d’appel (boiler rooms), avec des téléphones et des listes de clients. Aujourd’hui, ils n’ont besoin que d’un smartphone, d’un compte Telegram, et d’un peu de patience. Les marchés traditionnels (actions) étaient plus lents. Les manipulations prenaient des semaines. Dans le monde des crypto, tout se passe en minutes. Un token avec une capitalisation inférieure à 10 millions de dollars peut être déplacé par un achat de 10 000 $. C’est ce que dit David Yermack, professeur à NYU : "Les petites crypto sont des cibles parfaites. Il suffit de peu pour les faire bondir."Et contrairement aux "rug pulls" (où les développeurs disparaissent avec l’argent), les pump groups ne créent pas de projet. Ils utilisent des tokens existants, souvent déjà sur les exchanges. Ils n’ont pas besoin de coder. Ils n’ont pas besoin de faire un site web. Ils n’ont besoin que de faire croire.
Comment éviter de tomber dans le piège
Voici ce que vous devez faire, maintenant :- Ne jamais suivre un signal sans vérifier : Si un groupe vous dit "achetez maintenant", allez sur CoinGecko ou CoinMarketCap. Regardez le volume, la capitalisation, l’historique. Si le token n’a pas de site web, pas de team, pas de whitepaper, c’est un piège.
- Ne payez jamais pour un "signal premium" : Personne ne peut prédire le marché. Si quelqu’un vous vend des signaux, c’est qu’il veut votre argent, pas vous aider.
- Utilisez des ordres limités, pas des ordres au marché : Si vous achetez "au marché", vous payez le prix le plus haut du moment. Avec un ordre limité, vous fixez le prix maximum que vous êtes prêt à payer. Cela vous protège des pics artificiels.
- Ne mettez pas plus que ce que vous pouvez perdre : Si vous avez 500 € à investir, ne mettez pas 300 € dans un token qui vous a été "recommandé" sur Telegram. Si vous perdez tout, ce sera une leçon. Mais si vous avez déjà perdu 1 000 €, vous n’avez pas appris.
La meilleure protection ? Le doute. Si quelque chose semble trop beau pour être vrai, c’est parce que c’est faux. Les gens qui gagnent dans les pump groups ? Ce sont les organisateurs. Pas vous.
Que font les autorités ?
La SEC et la CFTC aux États-Unis ont augmenté leurs actions. En 2022, elles ont intenté 19 poursuites contre des groupes de manipulation. En 2023, elles ont commencé à utiliser des outils d’analyse blockchain pour suivre les adresses des escrocs. Mais la réalité est simple : les régulateurs sont toujours en retard. Les escrocs changent de plateforme, de token, de nom de groupe. Leur avantage ? Ils n’ont pas besoin de respecter la loi. Vous, si.
Le piège de la communauté
Ce qui rend ces escroqueries si dangereuses, c’est qu’elles se présentent comme une communauté. Les groupes Telegram sont pleins de messages comme : "Merci pour le signal ! J’ai gagné 400 € !" ou "On est une famille ici !" C’est du psychologique pur. Les escrocs créent un sentiment d’appartenance. Vous vous sentez inclus. Vous pensez que vous faites partie d’un groupe d’initiés. En réalité, vous êtes la prochaine victime. Un utilisateur de Reddit a écrit en mai 2023 : "J’ai perdu 2 300 € dans un pump group. Je croyais que j’étais intelligent. Je me suis fait avoir comme un débutant." Il a 2 847 upvotes. Des centaines de personnes ont réagi : "Même chose pour moi." "Je pensais que j’étais le seul."Il n’y a pas de honte à se faire avoir. La honte, c’est de continuer à croire que ça va marcher la prochaine fois.
Que faire si vous avez déjà perdu de l’argent ?
1. Arrêtez de chercher à récupérer : Les "recouvreurs" qui vous proposent de vous aider à retrouver votre argent sont souvent des escrocs en deuxième niveau. Ils veulent votre argent aussi.2. Signalez le groupe : Sur Telegram, utilisez l’option "Signaler". Sur X, signalez les comptes qui publient des signaux. Même si rien ne se passe, chaque signalement compte.
3. Apprenez : Lisez les rapports de la SEC, de la CFTC. Suivez des comptes vérifiés comme @SECgov ou @CFTCgov. Apprenez à lire les données, pas les promesses.
4. Parlez-en : Si vous avez été victime, partagez votre histoire. Pas pour vous plaindre. Pour protéger les autres. Un seul témoignage peut empêcher quelqu’un de perdre 5 000 €.
Les pump groups sont-ils légaux ?
Non, les pump and dump sont illégaux dans la plupart des pays, y compris aux États-Unis, en Europe et au Canada. Ils sont classés comme de la manipulation de marché. Mais la difficulté vient du fait que les organisateurs sont souvent anonymes, utilisent des plateformes chiffrées et opèrent depuis des pays où la régulation est faible. Cela rend les poursuites difficiles, même si les autorités les identifient.
Pourquoi les gens continuent-ils à rejoindre ces groupes malgré les risques ?
Parce que les escrocs exploitent deux faiblesses humaines : la peur de rater une opportunité (FOMO) et le besoin d’appartenance. Les groupes Telegram créent une illusion de communauté. Les messages de succès (même falsifiés) donnent l’impression que "tout le monde gagne". Et quand un petit gain arrive - 50 €, 200 € - cela renforce la croyance que "ça peut marcher pour moi aussi". Ce n’est pas de la stupidité. C’est de la manipulation psychologique.
Est-ce que les grandes crypto comme Bitcoin ou Ethereum sont ciblées ?
Rarement. Les pump groups ciblent des tokens avec une faible capitalisation - en général moins de 10 millions de dollars. Bitcoin et Ethereum ont trop de volume, trop de transparence, trop de régulation pour être manipulés de cette manière. Un achat de 10 000 $ sur Bitcoin ne change rien. Sur un token inconnu, c’est suffisant pour le faire exploser. C’est pourquoi les escrocs évitent les grandes crypto : elles sont trop lourdes pour être déplacées.
Les plateformes comme Binance font-elles quelque chose pour arrêter ça ?
Oui, mais partiellement. Binance a mis en place des algorithmes pour détecter les pics de volume anormaux. En 2023, ils ont bloqué plus de 1 800 tentatives de manipulation. Mais ils ne peuvent pas arrêter les gens qui achètent et vendent rapidement sur d’autres plateformes, comme Uniswap. De plus, les escrocs utilisent des comptes multiples et des adresses différentes pour éviter les filtres. La technologie aide, mais elle ne résout pas le problème humain : la crédulité.
Comment reconnaître un faux signal ?
Trois signes : 1. Pas de nom de token clair - juste "un coin qui va exploser". 2. Pas de lien vers un site web ou une documentation. 3. Urgence extrême : "Achetez maintenant, c’est la dernière chance !". Un vrai projet n’a pas besoin de vous forcer à agir en 10 minutes. Il vous donne le temps de comprendre. Si quelqu’un vous pousse à agir sans réfléchir, c’est un piège.