Nancy : la capitale incontestée de l’Art déco en France

Les lampadaires dessinés comme des bijoux, les ferronneries qui racontent des histoires, les façades où chaque balcon est une invitation au rêve… À Nancy, le temps s’est arrêté dans les années folles. On y marche comme dans un décor de cinéma, entouré de courbes, de lignes nettes, de verrières et de dorures. C’est là qu’est née, littéralement, la signature française de l’Art déco, ce style architectural et artistique furieusement moderne qui s’est imposé dans la France entière à partir des années 1920. Oublie Paris, oublie Marseille : la vraie capitale française de l’Art déco, c’est Nancy. Une ville à taille humaine, qui s’est imposée dans ce mouvement en plein boom industriel, entre prospérité, esprit d’avant-garde et amour de l’esthétique. Si tu aimes flâner en observant les détails qui font lever le nez, Nancy est un terrain de jeu inépuisable. On va plonger au cœur de cette ville, découvrir pourquoi on ne parle que d’elle et comment tu peux, toi aussi, y croquer la vie en Art déco.

L’essor de l’Art déco à Nancy : entre histoire et identité locale

Quand on parle d’Art déco à Nancy, on ne se contente pas de quelques immeubles chic. L’Art déco y est partout présent, dans un nombre impressionnant de bâtiments publics, d’habitations privées, de cinémas disparus ou réinventés, et même dans la moindre pharmacie de quartier. Il faut dire que la ville n’a pas attendu la mode parisienne pour oser casser les codes. Déjà à la Belle Époque, l’École de Nancy, menée par Émile Gallé et ses copains, posait les bases de l’Art nouveau : un art décoratif floral, poétique, tout en arabesques et matériaux nobles. Mais après la Première Guerre mondiale, tout change. Les artistes et architectes nancéiens rêvent de vitesse, de progrès, de lignes pures. La reconstruction de la ville devient l’occasion d’injecter ce style lumineux, géométrique, qui signe l’Art déco.

Ce n’est pas un hasard si Nancy a épousé l’Art déco comme nulle autre. La ville regorge de jeunes architectes, formés dans sa fameuse école d’architecture, qui puisent dans les techniques modernes. Parmi eux, les frères Lanternier, Henri Bourgon ou encore Louis Marchal, signent des bâtiments qui sont aujourd’hui classés et jalonnent tout le centre-ville. Ils s’éclatent avec les matériaux : béton armé, fer forgé, faïence, mosaïque et même verre coloré, rien ne les arrête. Résultat, alors que d’autres villes hésitent, Nancy se pare d’immeubles élégants, innovants, et surtout proches des gens.

Le truc à retenir, c’est que l’Art déco n’a rien d’élitiste ici. On le retrouve dans les maisons de banlieue, les boutiques, les gares et jusqu’aux anciens bains publics. C’est un style qui parle à tous, et ça se sent dans la fierté locale. La ville a même commencé à recenser et restaurer ses plus beaux trésors, pour ne rien laisser disparaître dans l’oubli. Des visites guidées thématiques aux parcours patrimoniaux, tout est pensé pour faire découvrir cet héritage. D’après le dernier inventaire, Nancy compte aujourd’hui plus de 200 bâtiments remarquables de l’époque Art déco, dont plus de la moitié sont accessibles au public.

Date de constructionType d’édificeArchitecte principal
1928Cinéma CaméoJean Prouvé
1930Banque Rurale & Crédit AgricoleLouis Marchal
1933Immeuble des Magasins RéunisAndré Lurçat
1925Salle PoirelCharles Masson

Synonyme de liberté créative, la cité lorraine a hérité d’un dynamisme architectural unique en province. L’écrivaine Anna Vigoureux, spécialiste du mouvement, a d’ailleurs résumé la force de Nancy dans un bloc-notes qui traîne souvent sur les bancs d’école :

“Ici, la modernité a pris racine dans la douceur d’une ville où l’on n’a jamais eu peur des idées neuves.”
Au fil des décennies, ce flair n’a pas faibli. Alors, prêt à explorer plus en détail les pépites Art déco de Nancy ?

Balade au cœur des chefs-d’œuvre Art déco : parcours immanquables

Impossible de venir à Nancy sans marcher le nez en l’air le long des avenues Foch, Jean Jaurès ou du quai Claude-le-Lorrain. Ici, impossible de manquer la Nancy Art déco : chaque coin de rue réserve son lot de surprises. On peut évidemment commencer par l’iconique piscine ronde de Nancy Thermal, imaginée au début des années 1930 par l’architecte Jacques André. Toit en dôme, marquises, fresques stylisées… Elle vient de rouvrir après trois ans de rénovation, comme un clin d’œil à son époque faste.

Juste à côté, la Salle Poirel attire les amateurs de concerts mais aussi de patrimoine. Même sans entrer, la façade vaut le détour. Tes yeux seront sûrement attirés par les motifs floraux stylisés, la porte massive en bois et les ferronneries signées Victor Prouvé, le frère du très célèbre Jean Prouvé. Ce dernier, on le retrouve un peu partout en ville : mobilier public, lampadaires et même dans l’ancienne poste centrale, où l’on peut apercevoir ses débuts avant qu’il ne conquière Paris puis le monde entier.

Ne rate pas l’immeuble des Magasins Réunis, place Maginot, véritable cathédrale commerciale de l’Entre-deux-guerres. Avec ses bas-reliefs étonnamment bien conservés, il paraît tout droit sorti d’une bande dessinée rétro. Les connaisseurs te conseilleront aussi la rue Isabey, parfaite pour flâner à la recherche de petits détails qui échappent à la foule : balcon en mosaïque, enseignes sculptées, entrées d’immeuble dignes des palaces de Miami, mais version Grand Est.

Tu veux un itinéraire précis ? Voici une suggestion pour une balade Art déco réussie à Nancy :

  • Commence place Carnot, traverse la rue Gambetta jusqu’au siège de la Sécurité Sociale (bâtiment tout en angles et fenêtres zébrées)
  • File boulevard Lobau : la pharmacie Lardé et ses boiseries Art déco te feront sortir ton téléphone pour la story Instagram
  • Cap sur la rue Victoire-de-la-Marne, moins connue mais regorgeant de bijouteries et commerces de bouche stylisés années 30
  • Termine ton circuit au cinéma Caméo, où tu pourras comparer le fond et la forme autour d’un dernier film indépendant dans un décor d’époque

Un petit conseil de maman – mon Basile adore les chasses aux trésors urbaines : amuse-toi en famille à repérer les motifs – soleils, ziggourats, zigzags et épis de blé. À chaque façade son histoire ! Prends aussi le temps d’observer les couleurs typiques de l’Art déco nancéien, souvent dans des tons bleu glacier, jaune d’or ou vert d’eau. La ville propose d’ailleurs des carnets de découverte gratuits à l’Office du tourisme, parfaits pour apprendre à voir ce que d’autres ignorent.

Nancy, épicentre français : ce que la capitale a de plus que les autres

Nancy, épicentre français : ce que la capitale a de plus que les autres

Alors, pourquoi Nancy fait-elle si souvent l’unanimité face aux autres prétendantes à la couronne Art déco ? Paris est évidemment belle, mais son Art déco est éclipsé par la profusion des styles. Reims possède de beaux édifices, notamment son incroyable bibliothèque Carnegie, mais la ville n’a ni la densité ni la variété du centre nancéien. Saint-Quentin et Royan possèdent aussi des quartiers Art déco, mais le charme n’est pas le même.

À Nancy, l’Art déco n’est pas juste un décor figé. La ville l’a transformé en art de vivre et en argument touristique. Chaque année, le Festival « Nancy Renaissance » met la création à l’honneur et propose des parcours thématiques autour de l’Art déco, avec concerts, expositions, visites guidées, ateliers pour enfants… En 2024, la ville a même vu sa fréquentation touristique bondir de 18% pendant la semaine du festival, preuve que le courant séduit au-delà des initiés. Même les magasins du centre recyclent les codes graphiques de l’époque, jusque sur les emballages ou les vitrines, créant une atmosphère unique.

Ce qui frappe aussi quand on se promène, c’est la conservation exceptionnelle du patrimoine. Pas de tours maladroites plantées à côté des bijoux de 1930, pas de ravalements défigurant les ferronneries : à Nancy, la continuité du style se ressent d’un pâté de maisons à l’autre. Les initiatives de restauration de la mairie y sont pour beaucoup. Dans ce cadre, la municipalité a financé, avec le concours de la DRAC Grand Est, un remarquable travail de conservation des mosaïques et des ferronneries emblématiques du centre-ville.

On trouve à Nancy une variété de styles Art déco incroyablement large : monumental sur les façades de certaines banques, raffiné dans de petits immeubles bourgeois, exubérant dans les anciens cinémas, graphiste et géométrique sur les anciennes devantures de magasins. Les intérieurs ne sont pas en reste, avec leurs cages d’escaliers somptueuses, leurs rampes sculptées et leurs vitraux qui changent la lumière. Les plus curieux peuvent même participer à des ateliers de dessin inspirés de ces lignes, ou découvrir les coulisses grâce à des visites d’immeubles privés durant les Journées Européennes du Patrimoine.

L’héritage de l’École de Nancy n’est jamais loin. On sent une filiation directe entre ce passé Art nouveau foisonnant et la sobriété lumineuse de l’Art déco. Ici, rien n’est laissé au hasard. Même les écoles ou les usines anciennes racontent, par leurs détails, la conquête du moderne. Et si tu te demandes si tout ça n’est réservé qu’aux passionnés d’architecture, détrompe-toi ! Le charme Art déco de Nancy s’apprécie dans l’ambiance générale, dans ce mélange harmonieux du patrimoine vivant et du quotidien chic sans chichi.

Conseils pratiques pour explorer Nancy version Art déco

Se lancer à la recherche de l’Art déco à Nancy, c’est facile et fun, même avec des enfants. Commence par repérer les circuits pédestres proposés à l’Office du tourisme : il existe cinq parcours spécialement conçus pour ne rien rater, du centre-ville historique aux quartiers résidentiels plus secrets. Télécharge leurs livrets ou attrape une carte en papier vintage, la balade laisse de l’espace à l’impro… et aux bonnes surprises. N’hésite pas à participer aux visites guidées, souvent pleines d’anecdotes croustillantes (comme ce bijoutier de la place André-Maginot qui a caché ses vitrines sous des plaques en tôle pendant la Seconde Guerre mondiale, et dont le mobilier est resté intouché depuis !).

Pour les plus motivés, tente l’expérience le dernier week-end de mai, lors du "Printemps Art déco" : ateliers famille, cours de linogravure, dégustations dans des brasseries Art déco, projections de films d’époque… On peut même loger dans un ancien hôtel décoré en style années 30, histoire de prolonger l’immersion. Petit truc entre nous : pense à lever les yeux dans les halls d’immeubles, c’est là que dorment les plus belles mosaïques. Reste discret et courtois si tu explores les entrées privées, la plupart des résidents sont fiers de te raconter l’histoire de leur bâtiment.

Côté photo, la lumière de Lorraine est idéale au printemps : douce en matinée, franche en fin de journée pour révéler les dorures et les céramiques. N’hésite pas à prévoir un carnet pour noter tes impressions ou dessiner des motifs qui t’inspirent – le geste plaît beaucoup aux enfants, et donne envie de petits ateliers créatifs au retour. Pour boire un verre comme en 1929, la brasserie Excelsior est le spot incontournable : fresques, boiseries, plafonds sculptés, tout y est. Les gourmands aimeront aussi la pâtisserie familiale Oberlin, qui propose chaque mois une spécialité inspirée de l’Art déco (dommage que ça ne soit pas très compatible avec le régime, mais on en revient toujours !).

Enfin, si tu veux ramener un souvenir original, cherche les créations Art déco remises au goût du jour par de jeunes designers locaux : lampes, affiches, bijoux… Plusieurs boutiques du centre misent sur l’artisanat éthique, histoire de s’offrir un peu de l’audace Lorraine chez soi. Nancy ne se visite pas, elle se vit. Tu verras, il suffit de quelques heures à côtoyer l’élégance de ses rues pour comprendre pourquoi elle reste, sans conteste, la vraie capitale française de l’Art déco.